L’AUTEURE
Astrid Manfredi est née le 4 novembre 1970. Elle a suivi des études de littérature française et a créé le blog de chroniques littéraires « Laisse parler les filles ». La Petite Barbare est son premier roman.
AVIS
Astrid Manfredi livre ici une écriture noire mais réaliste. Passées les craintes du début de lecture, j’ai découvert un premier roman très abouti. Le style est affirmé, et la poésie naît parfois de la boue. Quelle audace de choisir un tel thème pour son premier roman.
HISTOIRE
L'affaire dite du « gang des barbares » est toujours bien ancrée dans la mémoire collective. C’était en 2006, et il y était question de violence et d’antisémitisme. Souvenez-vous : la mort d'Ilan Halimi, enlevé, séquestré et torturé par un groupe d'une vingtaine de personnes se faisant appeler le « gang des barbares », dirigé par Youssouf Fofana. L’histoire a dépassé le fait divers pour devenir un vrai phénomène de société qui interroge encore sur la nature humaine : qui fabrique les monstres ?
L’auteure revient sur la tragédie en allant du coté d'une des protagonistes. La "petite barbare", nous ne connaîtrons que son pseudo de taule, était donc la fille d'un gang. Un monstre de beauté qui rabattait les proies et qui a fermé les yeux sur le crime. C'est elle qui écrit.
Emprisonnée pour complicité d'homicide, elle lit, et elle écrit sa haine, une "déferlante de haine en apnée". Elle décrit la vie de la petite barbare dans la cité : la prostitution, la pornographie, la dope, la délinquance, la pauvreté, la misère sociale, l'absence de rêves.
Et puis le fric facile, car ils en ont ramassé beaucoup, vendant de la came et dépouillant ceux qui se laissaient séduire par elle. A mener grand train - grosse voiture, fête, poudre blanche, champagne, Champs Elysées et boutiques de luxe - leur jeu est allé trop loin, jusqu'au meurtre.
AMBIANCE, un thème mainte fois revisité : une vie en banlieue, un père qui passe son temps sur le canapé, une mère, qui travaille comme femme de ménage, les huissiers qui passent prendre les meubles. Pas de caresse, quelquefois la main de sa mère dans ses cheveux, rarement. Quelques moments remplis de poésie avec sa mère. De la part du père : rien.
LE TEXTE est bref, mais fulgurant. C’est un récit "uppercut" qui sonne comme une autobiographie, à la fois brut de décoffrage et plein de pudeur. Elle dénonce le décalage qu’il y a entre la société des biens pensants et les laissés pour compte, les chômeurs, les petits. Elle décrit la lâcheté des hommes et le profit qu’ils font des femmes. C’est percutant, sans pathos, ni misérabilisme. Même si j’aurais aimé avoir un davantage de nuances dans les personnages secondaires, qui sont parfois vite balayés.