On m’a offert récemment « Toute une époque » d’Ariane Chemin, grand reporter au Monde. Il s’agit de 32 portraits et reportages publiés dans le Monde entre 2005 et 2018 et remaniés. Ce n’est pas cet ouvrage que je souhaite évoquer même s’il est joliment écrit, mais le désir de relire Houellebecq qu’il a suscité chez moi grâce à un texte titré « Michel Houellebecq, la tour et le territoire ».
Je me suis donc rendue à la médiathèque avec l’idée de prendre au hasard un titre. Mais conformément à ce que prétend l’article, Houellebecq est l’auteur le plus emprunté, et il n’y avait de disponible que « Les particules élémentaires ».
Soupir, je l’avais lu. Vingt ans déjà ? Je décidai d’aller au bout de ma démarche, certaine qu’il y a vingt ans, je ne l’avais pas abordé comme je le ferai aujourd’hui.
A l’époque, j’attendais une intrigue qui m’apparut faible (l’histoire de deux demi-frères, Michel l’introverti, et Bruno le jouisseur compulsif) mais j’avais apprécié l’écriture, même si j’avais le souvenir pesant d’un langage systématiquement cru lorsqu’il s’agissait de parler de sexe.
J’avais oublié à quel point certaines pensées sortaient des sentiers battus. Parfois provocantes mais méritant qu’on s’y attarde vingt ans après.
« l'univers des cadres moyens et des employés était plus tolérant, plus accueillant et plus ouvert que l'univers des jeunes marginaux »
« la libération sexuelle est un nouveau palier dans la montée historique de l'individualisme »
Je redécouvre la puissance de sa réflexion sur la société de liberté individuelle, du désir omnipotent, de l'exigence de jouir de tout dans l'immédiateté. Michel et Bruno sont les dommages collatéraux de cette société.
A l’aune de plusieurs années dans la protection de l’enfance, j’ai relu ce livre avec un nouvel éclairage, et compris l’isolement définitif des deux personnages et les troubles de l’attachement qui résultent de l’indifférence de leurs parents.
J’ai admiré l’intelligence émotionnelle qui éclaire l’écriture de Michel Houellebecq. Il m’a fallu vingt ans. Je suis un peu lente.